Note d’intention du metteur en scène / Pierre Boucard

Depuis plus de vingt-cinq ans, je nourris une vraie passion historique pour la période de la Révolution Française. Alors que n’a pas été ma joie quand Etienne Ménard, ami et comédien que j’admire, m’a demandé de mettre en scène sa pièce sur les derniers jours de Danton.

Mais rapidement j’ai été pris de doutes : Que faire face à des personnages que vous admirez ? Et puis comment allais-je diriger des comédiens lorsqu’il s’agit de jouer des légendes ? Des hommes et des femmes dont les noms mêmes font partie de notre imaginaire collectif ? Des hommes et des femmes dont les noms nous accompagnent depuis l’école jusque dans notre quotidien via les rues que nous empruntons tous les jours ? Dès les premières lectures de la pièce en solitaire, ces doutes se sont évaporés.

La pièce d’Etienne Menard m’offre une voie : les rencontrer dans leurs intimités. Ce ne sont plus Danton, Robespierre, Desmoulins mais Georges, Maximilien ou Camille. Si les scènes de procès redonnent à entendre la parole publique de ces hommes, tout le reste représente une plongée dans l’intime.

Face à cette intimité, terreau de mon travail, je souhaite travailler sur deux axes.

Le premier est de redonner sa place au silence. Alors que l’espace public de cette époque est saturé par le verbe, l’intimité est le lieu du silence. C’est là où peuvent alors s’entendre les doutes et les peurs, mais aussi l’endroit où peut se goûter charnellement les amitiés et les haines.

Le second est de redonner leur âge à ces êtres, et retrouver ainsi leur jeunesse. Ces personnages sont des légendes et comme toute légende, ils n’ont pas d’âge. Or si la Révolution Française fut cette période où chaque année valait un siècle comme l’a dit Jaurès, c’est que l’un de ses combustibles fut la jeunesse de ces protagonistes. On oublie trop souvent que lors de leur mort, Desmoulins avait 33 ans, Saint-Just, 26 ans, Robespierre, 35 ans, et Danton, 34 ans.

Face à ces ambitions, je suis aujourd’hui ravi de pouvoir travailler avec une équipe de comédiens de grande qualité, qui permettront de redonner vie à Lucile, Camille, Antoine, Maximilien et Georges.

Note d’intention de l’auteur / Etienne Ménard

DANTON, Les Derniers Jours du Lion, c’est entrer dans l’intimité des ultimes semaines de personnages au destin hors-norme, engagés dans une terrible lutte de pouvoir, à un moment épique de l’Histoire de France.

Tout, dans la Révolution, peut être source d’inspiration pour le théâtre : le contexte, l’évènement, son impact sur l’Histoire et sur le monde, les personnages et leur destin, la dramaturgie… Danton, homme truculent, épicurien, orateur hors-pair, fédérateur est un personnage de théâtre ; son procès, mené à charge uniquement et dans lequel l’accusé se défend comme un lion blessé, est un « spectacle » à lui seul. Neuf personnages, célèbres, animent ma pièce et son histoire.

Ce qui m’a intéressé, c’est de les raconter dans leur intimité : comment étaient-ils en rentrant chez eux, eux qui ne dormaient que quatre ou cinq heures par nuit ? De quoi parlaient-ils avec leur femme, avec leurs enfants? Dans cette période de fin 1793 qui sent la mort, quand les doutes apparaissent, comment réagissent-ils ? Qu’en disent-ils ?

J’ai souhaité, également, montrer les relations d’amitié, fortes parfois, entre les protagonistes. Et comment, à un moment, pour des enjeux de pouvoir, enjeux de vie ou de mort, ces relations ont volé en éclat. Comment on peut se rassembler face à un adversaire commun – la Monarchie, le Roi, -, mais quand celui-ci est à terre, que le pouvoir est vacant, qui devient ennemi ?

L’épisode de la Révolution Française raconté ici est une fiction. Au vu de la richesse des éléments liés à cette période « extra-ordinaire » et pour les besoins de la narration, des choix ont été nécessaires, des libertés ont été prises, des personnages ont été occultés, des faits ont été laissés dans l’ombre, d’autres ont été déplacés, extrapolés, de nombreuses discussions imaginées, inventées…

J’espère, à défaut d’une impossible vérité, avoir pu rendre compte de manière théâtrale, du rôle de ces hommes et de ces femmes engagés dans cette aventure humaine et politique hors du commun.